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Entropie générale
31 janvier 2006

En vrac et comme ça vient (suite 2)

Disparition : -À je le monde est impossible, je se tient toujours à la périphérie, le bord, le seuil parfois, mais n’y vient pas, je pour ainsi dire jamais venu au monde, né sans venir, la tête la première à reculon, commence par mourir, quitte le monde en y entrant, le maintient aussi loin que près, le monde déjà-là interdit je dans sa venue, dehors irrecevable, singulier, étrange, étranger de même qu’inquiétant. Non qu’il ne l’accueille -il ne le refuse, ni ne l’ejecte, le rejette, ne l’exclue-, mais je n’y a pas vu le jour, n’a vu que la nuit, et l’habite encore. -Comment faire quoi que ce soit en un monde où je ne vient pas, dont il est l’absent, ombre égarée, perdue en un lieu incompréhensible. L’absence peuple le monde, je n’y est pour rien, absolument, ni pour personne, ou quoi ? Mais cette absence est la manière qu'a je de s’inscrire là où il manque, en une trace faible, ténue, bientôt effacée. Paralysie : -Ombre dit Le vide est mon milieu. Il s'y meut sans bouger, rien n'y vient, ni advient. Une immobilité absolue s'y maintient -tant bien que mal. Il aimerait qu'il en soit réellement ainsi, mais c'est compter sans le temps - immobilité illusoire que le temps défait. -Brutalement, Ombre prend conscience que sous ce qu'il tentait de rendre immuable tout a bougé, c'est déplacé, transformé. Il ne reconnaît plus rien. Il a voulu arrêter le temps, mais ce salaud a continué, et son compte apparaît pour ce qu'il est : un décompte. -Ombre n'a jamais rien fait, et maintenant, il ne peut plus rien faire : de l'immobilité à la paralysie, c'est là tout son parcours. Cartographie du vide : -Ombre dit qu'il faudrait pouvoir atteindre ce je qui hante chacun, cet impossible lieu de soi ou tout sujet disparaît. C'est un lieu vide où nul n'y a sa place -pas même soi. Il faudrait pourtant pouvoir en faire la carte, ou en déterminer la topologie : comment se fait le passage de ce rien à quelque chose, de l'absence du je à la présence du moi. Il doit y avoir de ça, Ombre le suppose, le rien serait constitutif de ce qui est comme de ce que l'on est -ou advient. -En nommant je, Ombre pense trouver l'autre, ce qui vient avant même toute possibilité de je. Méthode de l'échec : -Ombre continue. Tout cela l'ennuie, mais il continue. Il s'y force pour avoir l'impression que quelque chose quand même se fait. Il n'a pas besoin de cela. Alors pourquoi continue-t-il ? Peut-être parce que le temps avance et qu'il se dit qu'il faut bien que quelque chose reste. N'ayant rien fait, il faut bien que quelque chose pourtant reste. -Ombre est un dilétant à temps très partiel. Doublé d'un velléitaire. C'est fou le nombre de choses qu'il voudrait faire -c'est du moins ce qu'il se raconte- et qu'il ne fait pas. Il se trouve toujours d'excellentes mauvaises raisons : il a pas le temps, il a pas l'argent, il a pas vraiment envie, les circonstances ne s'y prêtent pas, etc… Ben voyons. -Dès qu'il s'agit de passer à l'acte, il se défile : s'il doit demander quelque chose, il ne le demande pas, s'il doit faire quelque chose, il ne le fait pas, s'il doit réclamer, il ne réclame pas, etc… etc… Sauf s'il ne peut pas faire autrement, alors il l'expédie au plus vite, qu'on en parle plus. Cela ne se résout pas forcément à son avantage, mais, pas grave, l'essentiel c'est d'en être débarrassé. Panique neutre : -Il y a chez Ombre une panique du social et de la relation à autrui. Il faut donc que les rapports avec les autres soient minimum, que le contact avec le monde soit réduit à sa portion congrue. -Ombre dit qu'il ne peut pas rejouer sa non-histoire, mail qu'il pourrait peut-être en modifier le cours. Ça ne serait pas si mal, à moins qu'il ne s'agisse encore là que d'un projet de plus à rester l'état d'intention. Sujet séparé : -Je est un mot un rien étrange, un pronom personnel (en quoi ?) vaguement inquiétant. On se demande ce que ça pourrait bien être que cette chose-là ? On a beau l'utiliser tout les jours, il demeure incompréhensible et obscur. Qu'est-ce que c'est que ce mot que je prononce et qui serait comme mon lieu, celui d'où ça parle ? Ce qu'il désigne, il ne le nomme pas. -Dans les langues à déclinaisons -le Latin, le Grec, ou autre- le mot je n'existe pas, ce qu'il désigne a son lieu dans la terminaison du verbe, il appartient à l'action, à son temps, fait corps. Dans nos langues -pourtant latines- c'est un mot singulier, autonome -séparé. Il est extérieur à l'action, et ne s'y fond pas. Ce qu'il signe se pense plein et entier. Il est bien le sujet de l'action mais n'y participe pas. Même si sa trace se maintient encore souvent dans la terminaison du verbe -en français du moins, c'est déjà moins vrai pour l'anglais- le sujet affirme sa séparation (il est bien l'acteur, mais l'acte ne lui appartient pas). -Comment entendre ce mot, je ? On pourrait en recenser les acceptions par un jeu de déclinaison typographique : JE ; je (souligné) ; je (italique) ; (je) ; "je" ; je (barré). -JE : impératif, catégorique, envahissant. Affirmation péremptoire d'un égo qui ne connaît et reconnaît que lui. Se pense le seul sujet, les autres n'étant que des objets dans son monde. Hypertrophie narcissique de l'égo occultant tout ce qui n'est pas lui. -je (souligné) : plus discret, s'affirme néanmoins tranquillement. Fixe, innamovible, impassible. Se pense comme unique et ne nie pas l'autre. Ne le reconnaît pas non plus. Le laisse à son altérité et comme n'occupant aucune place dans sa formation en tant que je. Ne considère la présence de l'autre que dans la mesure où elle confirme la sienne propre. Nom partiel : -Je (italique) : Mouvant, mobile, changeant, pris dans le mouvement du devenir, toujours déjà plus là. N'affirme aucune identité fixe, n'occupe que partiellement son nom. Cependant se voit comme quelque chose de constitué, d'identifiable. Un je qui se présente dans son mouvement même. Une présence inassignable et cependant repérable. L'autre n'y est plus un étranger (absolu ou relatif), il est celui qui permet au sujet de se re-connaître et de se déplacer, il permet à l'égo de ne pas se figer, il est le moteur d'un devenir. C'est dans une relation à l'autre que le sujet sans cesse se redéfinit et se rejoue, il y a reconnaissance de l'autre dans la mesure où il est constitutif du je et le met en mouvement. Nom du retrait : -(je) : ici, le sujet est en retrait, s'il dit je c'est en se retirant du mot, ce n'est pas à proprement parler une absence, il laisse un espace vide où bruit encore faiblement le nom. C'est une présence ténue, légèrement vacillante qui néanmoins se prononce dans le mot. (je) garde encore quelque chose du nom, il est encore là pour lui. Nom de tous : -"je" : mot tout juste commode pour désigner celui qui parle. Il ne signe plus rien, ne nomme plus personne. Le sujet ne se reconnaît pas dans ce mot sans substance. S'il dit je, il sait aussi qu'il n'y a rien qui se dit là de lui. Je n'est pas là pour lui, je n'y est pour personne. Ou plutôt pour tout le monde, il est un espace public que chacun peut occuper seul. Je vaut pour tous et pour chacun. "je", c'est bien moi mais dans le même temps, l'autre y a sa part, il marque de façon décisive -significative- ce que je suis. L'identité, ce n'est pas seulement soi, c'est surtout l'autre. De quoi un sujet est-il fait sinon d'autres ? "je", c'est toute une population qui m'habite -ou me hante-, je ne m'y retrouve pas. Je est un autre : je (barré) : le sujet est barré, empêché, il s'affirme négativement comme parfaitement inaccessible, inconnaissable. Il est un pur vide, une béance qui s'ouvre au cœur même du sujet en un dehors au dedans, ce qui laisse apparaître le sujet barré (biffé comme en fuite) c'est cette béance du dehors au dedans. Il n'y a pas de je, le sujet ne se vit pas comme un je, ou alors, seulement à partir de l'autre, il est l'autre de l'autre, le "je est un autre" de Rimbaud (peut-être serait-il plus juste d'écrire : je m'est un autre). Il sait qu'il n'est pas premier, mais au contraire ce qui vient en dernier. je à la fin. Je ne commence pas mais finit. Je n'existe pas, n'est pas réel, il est un fantasme ou une fiction. Celui qui dit je de se dit pas, c'est toujours autre chose qui s'énonce là. Petits mensonges : -Du sens s'accumule, et encore du sens, et au bout du compte rien, Ombre dit Rien, pas de sens du tout. Juste l'illusion que cela pourrait en être. Qu'est-ce qu'il faudrait faire pour que ça parle ? Un tant soit peu ? Ombre dit que c'est toujours le vide qu'il rencontre, impossible de trouver quoi que ce soit qui résiste, même peu, qu'il puise le saisir -ou, à tout le moins, l'éprouver. -Ombre n'éprouve rien, ne met rien à l'épreuve, ni lui ni le reste, il se tient toujours en deçà du possible. Disparaître : -Ombre dit qu'il lui faudrait pouvoir écrire n'importe quoi, ne pas se préoccuper de ce que ça dit, et voir après. Ça lui est impossible. Ombre se surveille, se contrôle, se censure. Il voudrait que tout de suite ça soit écrit, que ça pèse de tout son poids de sens. Mais on ne peut pas faire ça avec l'écriture. Écrire c'est ne devenir plus personne, disparaître, ce qui s'écrit ne se soutient pas d'un sujet (n'en a nul besoin). Ce qui reste, une sorte de parole où bruit une voix sans corps. Bruit en silence, en deçà même du silence. Une voix blanche, absente, rien d'un moi, rien d'un je. -L'écrit signe l'anonymat du sujet, dit en quoi il est anonyme, en quoi son nom n'est celui de personne. Ombre signe de son nom qui n'en est plus un dès lors qu'il écrit, l'écrit efface le nom, le rend sans lieu. -Le nom réalise le néant de tous ceux qui nous ont précédé, le je en est l'actualisation, son actualisation quelconque. Anonymat : -Ombre dit Le je est un dehors qui me creuse. Qui le creuse, le tourne, le retourne comme un gant, transforme un néant en un autre néant où vibre quelque chose comme un nom : ce nom serait le sien et cependant il n'indique rien qui serait lui -ou de lui. je est seul, vide, absent. -Il y a une incondition du je, ce sur quoi il s'appuie, là d'où il émerge est un rien inconditionné (inconditionnel ?). À partir de ce lieu hors-lieu se forme quelque chose dont on peut dire, commencer à dire : c'est un sujet. Presque un je. Le sujet est un presque je. Il s'arrête à son seuil, contemple son néant, ou alors, fait place à l'anonymat singulier du nom. -Ombre dit qu'il faudrait pouvoir penser ce que veut dire cet anonymat du nom que signe je. Le je pointe le vide du nom et le redouble. Il est plus la marque d'une non-présence que d'une existence. Je voudrais : -Ombre dit Je ne sais -bien évidemment- toujours pas ce que je veux. Mais le problème est-il du côté du "ce que" ou plutôt de celui du "je veux"? "Ce que", on trouve toujours, il y faut d'abord un "je veux" -et donc du désir. Ombre n'a que des envies, des "ce que", ils ne motivent ni ne sont motivés, ils ne sont pris dans aucun mouvement, ils lui sont séparés, infiniment lointains et étrangers. Il ne les voit que comme des possibilités qui ne le concernent en rien. Elles lui semblent complément d'un "je voudrais", pas de "je veux". Ça reste conditionnel là où ça ne doit pas l'être. Ce n'est pas une affirmation, c'est une esquive, un évitement. -Dans le "je voudrais" s'indique déjà l'abandon de l'action, du mouvement, il laisse tout en place, s'arrange pour que rien ne bouge. Cette expression est celle d'une impuissance consentie, d'une inertie entretenue. Ici et maintenant : -La volonté, le désir, sont sans condition, ils s'expriment au présent -ici et maintenant-, un présent tendu vers un devenir. Le "je veux", se présente, rend présent. Il est le mouvement du temps, du moins il l'accompagne et l'actualise -le met en acte. C'est dans cette mise en acte que peut s'inscrire quelque chose comme un je. Elle l'accueille et le remplit. Le temps est ce qu'il habite comme ce qui l'habite. À la fois dedans et dehors. Le je y dessine une topologie étrange, sorte d'anneau de Möbius ou de bouteille de Klein. "Volonté de puissance" : -"Je veux"/"Je voudrais" : s'entend bien ici, que les dynamiques induites sont contraires. La première est la possibilité de l'actualisation du désir, sa mise en œuvre, elle ouvre le temps. La seconde n'énonce que des envies et est sans conséquence. Elle bloque le devenir et l'interdit, c'est un ressassement où le devenir se maintient immobile, comme gelé. -Renouer avec le mouvement du "je veux", qui est aussi un "je peux", "la volonté de puissance", non pas désir de domination, mais désir d'accroître ce que l'on peut, sa faculté à rendre réel ou à le transformer, accroître sa capacité de création et d'action. Entente : -Deux personnes parlant la même langue, parlent-elles identiquement la même langue ? Chacun parle sa propre langue dans la langue de l'autre (des autres), c'est-à-dire que chacun traduit et interprète ce que dit l'autre d'une langue dans la même autre. -Il y a un excès, quelque chose d'irréductible et d'intraduisible dans la parole de chacun qui fait signe mais pas sens. Le dialogue n'est possible que par ce débord de la parole. Ce que dit chacun ne se superpose pas à ce qu'entend l'autre, et il n'y a d'entente possible que par un écart et cet écart s'inscrit, se marque, se signe dans l'échange. Dialogue : -Ce qui s'échange, par la parole, n'est pas tant ce qui est commun que ce qui ne l'est pas. Il faut admettre qu'aucun ne parle la même langue quand bien même c'est la même. Cela admit, le dialogue est dynamique, vivant, sinon, il tourne en rond et est parfaitement stérile, nul ne s'entend chacun voulant imposer son seul sens, sa propre langue contre celle de tous. -On peut énoncer la différence entre langue et parole et en dire l'articulation. La langue est ce fond commun (mais non communautaire) d'où s'élance une parole singulière, fond commun inappropriable que la parole énonce en propre. Cela se fait à travers le nom du sujet, la singularité qui traverse l'anonymat du nom de celui qui parle. Désignation : -Ce que désigne le nom, en premier lieu, ce n'est pas moi, c'est quelqu'un. En second lieu, ça peut bien être de "moi" dont il s'agit, mais seulement à partir du un de ce quelque.
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