Jour n'allant pas seul 135

14-05-2012

…le chien avait volé un os dans une poubelle. Les chiens sont des voleurs. On ne peut pas leurs faire confiance. Ce sont vraiment des bêtes. De toute façon, le chien s'en fout. Il n'a aucune idée de ce que ça peut être que ça : voler. C'est vraiment un truc d'humain. Autant dire que ça ne vaut pas grande chose. De plus, dire le chien s'en fout, ça n'est pas très juste comme expression. Là aussi, le chien n'a aucune idée de ce que cela peut bien signifier, s'en foutre. Il avait faim, il y avait cet os dans cette poubelle, et voilà. Au demeurant, un os non plus, il ne sait pas vraiment ce que sait. Enfin, la chose, oui, ça, pas de problème, il la reconnaît de suite. Mais le mot, alors là, non. Cela dit, il est possible de l'habituer à associer à un stimulus sonore une chose. Par exemple [os]. Dès qu'il entendra ce son, il s'attendra, après apprentissage spécifique, à en rencontrer un, d'os. La chose os. Ce n'est pas qu'il aura compris qu'il y a d'un côté le mot et de l'autre ce qu'il désigne, mais dès ce son perçu, [os], il s'attendra à la chose – ou se mettra à la chercher. D'ailleurs, si, suite à ce son, l'os ne vient pas – ou qu'il ne le trouve pas, il ne comprendra plus rien. Il sera troublé par l'absence de la chose alors que le signe la précédent c'est manifester. C'est terrible, les mots, c'est tout à fait séparer de la présence. Ça ne nous assure en rien de la réalité des choses – ne de leur venue. Il y a des tas de mots qui existent, mais la chose, non. Dieu, par exemple, et tout le lexique théologique afférent : âme, paradis, enfer, prophète, messie, eschatologie, miracle, etc.., tout un vocabulaire des plus encombrant. Évidemment, d'aucuns vous diront, que, si, ça existe, dieu et tout le reste. Ce n'est qu'un exemple. Discutable, peut-être, mais un exemple tout de même. Il vaut ce qu'il vaut. Quoi qu'il en soit, ça n'est pas sans rien dire. Et rien que de très humain, somme toute. Quelques réalités anthropologiques. Ça parle de l'homme. De ses manques, ses désirs, ses peurs. Et de son imperfection de nature. Et comment il s'arrange avec la mort, l'accueille ou la nie. Lui fait place dans le cycle du vivant ou la rejette tout à fait hors…