Jour n'allant pas seul 249

05-09-2012

…putain de bordel de merde, dit-il, y'a qu'à moi qu'ça arrive c'genre de truc. Remarque, à dire vrai, peu fondée, sauf qu'à ce moment-là, c'est comme ça qu'il vit la chose. Y'a qu'à lui, évidemment pas, ça arrivait à des tas d'autres gens, mais là, sur le coup, à lui et rien qu'à lui. Réflexion faite, c'était même assez courrant, désagréable, très, et emmerdant, assez, mais courrant. Commun même : les tracas de l'existence dans le monde comme il va. C'est sûr, jurer comme un charretier ne change rien au problème, juste : ça soulage. Il gueule un bon coup, s'énerve un temps, les tensions retombent, il peut alors poser tout ça à plat et l'examiner calmement. Rien d'insurmontable, assurément. Juste quelques démarches ennuyeuses à faire. Du temps perdu. Ce n'est pas qu'il en aurait fait grand chose de ce temps -là, mais c'est du temps contraint et il n'aime pas ça : il y en a déjà suffisamment comme ça au quotidien pour en rajouter une couche. Il est bien obligé de faire avec. C'est comme ça, c'est comme ça. À ces moments-là, il se dit qu'il lui serait peut-être judicieux de s'engager. Dans un parti politique, un mouvement citoyen, une association militante, peu importe. En même temps, il voit bien ce qu'une telle démarche aurait d'égoïste. Il a conscience que s'il n'avait pas rencontré ce genre de problème, la question de l'engagement ne l'aurait pas même effleuré : du moment que pour lui tout baigne, les autres, hein ? pour ce qu'il en a à foutre. Pour être exact, il sait parfaitement que les autres c'est aussi lui. Il est un autre. Voire même autrui. Alors, hein ? pour ce qu'il en a foutre de lui. Presque autant que des autres. Il n'y a que quand il se cogne qu'il se dit qu'il lui faut faire quelque chose. Ce qu'il oublie aussitôt que tout rentre dans l'ordre : il retrouve son inexistence avec soulagement…