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Entropie générale
5 février 2006

En vrac et comme ça vient (suite 4)

Vivre ensemble : -L'égoïste ne se reconnaît que lui-même comme source et comme principe, tout le reste, les autres, le monde, les choses sont mis dans une position de sujétion, ils occupent une place secondaire, ils ne sont que les instruments du vouloir du sujet. -En partant d'un questionnement sur le je et son impossibilité, on en arrive à des questions qui touchent à la communauté -et donc au politique. On est là sur un seuil. Chose étrange, le je, en faisant retour sur lui-même, ouvre l'espace infiniment plus vaste du vivre-ensemble. Synonymie : -Le je, le moi, le sujet, l'individu forment une constellation de termes dont il faudrait cartographier les sens respectifs, leurs agencements, les flux qui les traversent ou qu'ils induisent, provoquent, créent. Ils ont tendance à fonctionner comme des synonymes, ou plutôt des tautonymes, c'est-à-dire qu'un mot est souvent employé à la place d'un autre, en son nom même, il s'y substitue pleinement. La synonymie, quant à elle, désigne des mots proches, contigus, ils sont de sens analogue mais ne se superposent pas, entre eux jouent des nuances qui déplacent le sens. De fait, la synonymie signale des directions de pensée que l'on aurait peut-être pas vues autrement. Sans drame : -Il y a deux choses qu'Ombre fait très bien : échouer et décevoir. Il y met une application certaine -et avec constance. Il n'apprend rien, finalement, rien. Comment affronter le problème ? Dès que la question se pose, elle se dérobe, il n'y entend rien d'audible, un espèce de brouhaha fait obstacle au récit : le sien. Récit impossible, il l'a déjà dit, mais cependant nécessaire. Il n'arrive pas à dire, Voilà, je suis né le temps, à tel endroit, et ce jour là ce fut déjà la fin, presque, et entrer dans le développement de cette vie qui commence et qui finit en même temps. -Qui commence et qui finit, cela à l'air bien dramatique, mais il n'y a là pourtant aucun drame, rien d'extraordinaire ni de tragique, juste une péripétie de la vie comme il peut s'en produire en toute conformité avec les possibilités de l'existence. Dès le début, si cela peut apparaître comme un drame singulier, Ombre est en conformité -il manque de mourir (déjà quelque chose rate), mais cela est conforme à la situation, attendue, prévue -à tout le moins fortement probable. Et c'est ce probable là qui s'actualise, c'est le plus probable qui prend corps. Il existe, d'entrée de jeu, comme le plus probable et qui est ici comme un rattage : il manque de mourir. Naissance : -Pour Ombre ça commence par un double rattage : devant mourir il ne meurt pas, et devant vivre c'est comme s'il commençait par mourir. C'est là une double négation de soi. Finalement, il vient au monde ni vivant ni mort, dans un entre deux où rien ne s'affirme, il y vient dans un mouvement de retrait, s'y inscrit comme absence. Le premier fantôme qui le hante, c'est lui-même. Lui-même non advenu. Une sorte de non-événement. Ce qui a eu lieu ne fait pas date -ni nom. Avoir failli mourir pour commencer, c'est se retirer du monde avant même d'y venir : il ne vient au monde qu'en n'y venant pas, qu'en commençant par ne pas y venir. Mais il a su résister, il a bien fallu qu'il surmonte et inverse cette inclination vers la mort, mais malgré tout, ce qui s'est inscrit en premier -comme origine- c'est la mort, autrement dit il s'origine dans la négation absolue, il ne se donne que comme néant. Partage : -Partage : à la fois ce qui divise ou sépare et ce dont on peut jouir en commun. Le lieu du commun est aussi celui de la séparation. À l'instant même du partage nous sommes séparés. Ensemble et séparés. C'est dans le partage qu'il devient possible de nous accepter comme sujets séparés, et c'est dans cette séparation que nous pouvons nous reconnaître. -La ligne de partage est aussi celle de la rencontre. C'est au lieu de la séparation, c'est-à-dire là où le sens est encore déjà vide, que s'ouvre la possibilité du commun : là où il n'y a rien lourd de tout. Critique : -"Bulldozer" : une revue de plus sur la bande dessinée. Une revue pour rien. Une revue où rien ne s'y dit seulement la déshérence de la critique, son naufrage. Une revue pour tous, et finalement pour personne. Rien ne s'y dit sinon le triomphe de la marchandise. Aucun travail de pensée, juste un discours lisse, sans saveur, sans substance, qui assigne au lecteur le place de simple consommateur. La critique de bande dessinée est morte avant même d'avoir pu émerger. Le marché a été plus rapide, il a absorbé la critique et l'a aliénée. -Le "passionné" n'est plus que celui qui dit oui, un assentiment automatique qui barre toute possibilité de pensée. Dans cette revue rien d'intempestif, d'impertinent, d'inactuel, seulement la triste actualité d'une parole sans conséquence. Pure produit de consommation au service de la consommation. Mais c'est le cas de toute la presse à caractère culturelle. Toute la singularité des œuvres y est réduite à quelques particularités inconséquentes. Il s'agit de faire vendre plus que de connaître, le critique n'est plus que l'agent de la marchandise. Son travail ne consiste plus à mettre à jour des voies théoriques qui permettraient de réouvrir les pratiques mais d'élaborer des arguments de vente. Disparition : -La marchandisation de la culture est avérée. Il en résulte une perte radicale pour la pensée -et donc pour l'action. La pensée empêchée, aucune action ne peut vraiment aboutir. Aucune action conséquente et transformatrice. La pensée empêchée, les actions qui s'engagent tournent à vide à l'intérieur du système spéctaculaire-marchand. Elles restent d'une innocuité totale. Elles n'intérrogent rien, ne perturbent rien, ne dérangent rien. Elles entretiennent le marché et l'alimentent. Ne s'engendre que du vide, celui négatif de la disparition. Bande dessinée : -Tracer un trait sur une feuille blanche engage le dessin. Il n'y a déjà plus rien. L'espace se marque, se sépare, il n'est pas encore une structure mais initie l'organisation de la page. C'est là la trace d'un geste, le commencement d'un sens. Cependant, le support n'est pas neutre : le format, le grammage, le grain, la texture, la matière concourent à la formation du dessin, à son apparition. L'outil utilisé aussi ; craie, crayon, plume, pinceau, burin autorisent et empêchent des possibles. La bande dessinée ne peut pas faire l'impasse de ces déterminations. De plus, elle engage une perte : celle de la reproduction. Il faut bien avoir à l'esprit que la perception qu'en aura le lecteur se fera dans un écart -ou un déplacement- par rapport à l'original. L'original est ici ce qui n'est pas vu, on en perçoit que l'image. La perte de l'original -de l'origine- est au principe de la bande dessinée. "Little Nemo" : -Au début de la bande dessinée, il est intéressant de remarquer que souvent le texte répète l'image -sans doute pour rester dans quelque chose de littéraire, le texte étant alors ce qui permettrait à la bande dessinée de se dire litérature, d'en revendiquer l'appartenance. C'est un rapport tautologique, le texte ne participant que peu -voire pas du tout- à la narration. On peut suivre la prise conscience de la valeur du texte et de l'image pour eux-mêmes dans "Little Nemo" de Winsor McCay : dans les premiers récits, un texte placé dans le bas de chaque case redit l'image. Par la suite, un texte situé dans le cartouche du titre raconte l'histoire qu'on va lire. Finalement, McCay abandonnera l'utilisation de tout texte redondant pour le faire entrer dans des rapports plus complexe avec l'image. Il admettra la pleine puissance de l'image, sa capacité à dire par elle-même (on retrouvera un manque de confiance en l'image chez Jacobs). Steffano Ricci : -Steffano Ricci en fait trop. Son travail plastique sur la matière le place au-delà de la bande dessinée ou ailleurs. Bien qu'ordonnant ses dessins en séquence -à raison d'un par page maintenant- son travail matiériste l'expulse hors du champ de la bande dessinée parce que chaque dessin possède une valeur par lui-même en tant qu'original et non plus en tant qu'objet reproduit. On perçoit bien que ce qui est montré n'est que la reproduction d'originaux qui resteraient le lieu de la valeur réel de l'œuvre. Finalement, il ne s'agit pas là d'un travail aux limites du genre, ou d'une tentative pour se situer au-delà, mais bien un positionnement dans un ailleurs. Cette œuvre qui peut sembler avant-gardiste est, en fait, surtout, l'expression d'un retour : elle tente de redonner (de donner tout court) à la bande dessinée une "aura" -l'aura étant la marque de l'art d'avant les techniques de reproduction de masse. Aura : -"Aura" : ce terme est de Walter Benjamin. Il est sans doute le premier à avoir théorisé cette spécificité de l'œuvre d'art d'avant la photographie et les techniques de reproduction de masse. Tout un pan de l'art du XXième siècle se situe dans ce mouvement de la perte de l'aura. Parce que l'aura s'accomode mal du livre imprimé, la bande desinée est très certainement une des expressions la plus manifeste de cette perte. -Avec le travail de Steffano Ricci, le désir de vouloir réintroduire quelque chose de l'aura dans un médium qui ne peut l'accueillir fait que la narration est brisée, ne se voit qu'une succession d'images que le livre rassemble : le livre n'est ici plus que cela, le lieu d'un rassemblement, il range les dessins dans un ordre, organise leur succession, cherche un récit introuvable. En visant le lieu de la bande dessinée Steffano Ricci atteind tout autre chose : le recueil. Être singulier : -La singularité ne serait-elle qu'une autre figure de l'être ? C'est-à-dire, cet élément irréductible du sujet qui le fonderait et d'où il proviendrait tout entier ? Ce toujours déjà là qui en serait la vérité première et dernière ? Le problème est que si l'être serait ce qui fonde le sujet, il ne lui appartient pas, ce toujours déjà là est une sorte d'élément vide qui serait le même quelque soit la personne. L'être de chacun est le même pour tous. Mon être n'est qu'une manifestation possible de l'être commun universel. Tout ceci relève d'une philosophie de l'être -c'est-à-dire d'une illusion fondamentale-, d'une métaphysique jamais très éloignée d'une mystique. -D'une singularité à une autre il n'y a rien de commun. Il n'y a qu'un être quand les singularités sont sans nombre. Elles forment communauté sans avoir rien en commun. L'espace du non : -Ombre dit qu'il est dans l'impossibilité de dire quoi que ce soit. À bien y réfléchir, ça n'est pas vraiment une impossibilité, puisqu'ici, déjà, ça parle, simplement l'accès n'est pas direct, il faut créer l'issue, le passage qui permet de parvenir en un territoire où, enfin, une parole -ou quelque chose comme telle- se trouve et se développe. Et c'est tout un labyrinthe fait de rien qu'il faut souvent traverser. Pas de mur, pas de chemin ni tracé, juste une errance en tout sens, une tentative pour tracer la carte d'un nom encore en suspend. La recherche d'un sujet (le thème comme le je) est là. Mais l'écriture est fondamentalement hors-sujet, non pas privé ou sans, mais n'ayant lieu qu'en son dehors. Écrire, c'est sortir de tout sujet pour parcourir l'espace du non. Discontinuité : -Un récit, en bande dessinée, est un récit fondamentalement troué : ce qui se passe entre deux images n'est pas représenté, mais la lecture comble le vide. C'est dans cet entre-deux des images que le récit se forme et se déploie. Les critiques lui ont donné un nom : l'espace inter-iconique. Il est un vide entre (qui sépare, mais aussi relie) les images. -La bande dessinée est un processus discontinu qui s'affirme tel. Contrairement au cinéma, qui est aussi un processus discontinu mais se donne pour continu de par le phénomène de la persistance rétinienne. Il est mouvement illusoire -ou plutôt hallucinatoire. Vide du sens : -En somme, si la narration en bande dessinée s'appuie sur le contenu des images, elle prend corps et consistance dans les vides, si chaque vignette informe le récit, l'espace vide qui les sépare le forme. C'est donc parce qu'il y a vide que le sens circule -il peut être difficile d'admettre, qu'ici, le vide est la condition de possibilité du sens et de la narration. -D'une manière générale le sens est troué, c'est parce qu'il y a manque, ou que quelque chose fait défaut, que le sens est possible et que l'on peut parler. Mais c'est le propre de la bande dessinée que de se construire ouvertement sur ce vide et de le mettre en œuvre. Art-toys : -Les art-toys sont de purs produits de consommation, ils ne servent à rien d'autre qu'à être vendu, ils ne disent rien, ne racontent rien, ne pensent rien, ne servent strictement à rien. Ils sont la matérialisation du néant de la marchandise. On prend un objet simple plus ou moins anthropomorphe, on le produit en grand nombre et on en propose quantité de variantes dont chacune peut-être signée d'un nom. -Il ne s'agit là que de la variation d'une même figure, de sa déclinaison indéfinie. Chaque variante se donne pour différence et n'a son lieu que dans et par le même. Tout le processus marchand est là, neutraliser le sens, l'éliminer et ne produire que des objets au silence têtu et vide. Des objets débarrassés du poids de toute question et affirmant leur vacuité et leur inutilité. Ils se veulent le lieu possible d'une expression mais ne sont que celui de sa disparition, il matérialise la signature d'un ego vide de tout sujet. Boroméen : -Qu'est-ce qui se joue autour des images ? Comment la représentation entre en contact avec un sujet ? Et en quoi la bande dessinée en redoublerait le geste ? L'image est sans doute la conséquence d'un mise en relation entre un objet (réel, imaginaire, symbolique) et un sujet, elle est la carte d'un territoire où se joue la rencontre. Elle fait lien entre un je et son dehors. Elle tente de rendre compte de ce nœud indéfectible du réel, de l'imaginaire et du symbolique et même le met en œuvre. En vente partout : -Ironie de l'histoire : l'œuvre de Guy Debord permet à des lieux phares de la consommation culturelle, à des machines à transformer des œuvres en purs produits (Virgin, la Fnac, Gaumont) de faire de l'argent. L'industrie du spectacle peut se nourrir -en partie- de ce qui la nie. C'est sans doute inévitable, surtout quand on a affaire à un quasi-mythe. -Car Guy Debord est devenu pour toute une génération, la figure, en quelque sorte, du dernier authentique rebelle, du dernier critique radical de la société marchande. Il s'est développé autour de son image une nostalgie pour une époque vue comme celle de la contestation radicale. Guy Debord incarne une révolte perdue. De ce fait, il était prêt à devenir un produit de consommation. Maintenant, reste à savoir comment il sera reçu ? Permettra-t-il de réactiver un esprit critique maintenant absorbé par le discours publicitaire et marketing ? Ou restera-t-il la simple consommation d'une nostalgie pour une époque révolue, le document de ce bon vieux temps qui ne reviendra plus ? Synchronisation : -La critique en tant que telle a quasiment disparu de la presse, fût-elle spécialisée. Elle est maintenant l'instrument du marché, elle n'est plus qu'un outil promotionnel. Son rôle est de faire vendre, elle ne pose plus de question, n'interroge plus l'œuvre, ne la pense plus, mais l'expose comme simple objet enviable. Consommer l'œuvre n'est plus que le signe vide d'une appartenance à une "communauté" de pensée inexistante. -Il s'agit d'arrimer le sujet à des objets de consommation. Il faut que chacun soit en phase avec le produit, tous consomment les mêmes choses dans le même temps, chacun est synchrone -ou presque. La consommation de masse, c'est l'uniformisation absolue du temps de conscience. Tout est fait pour que le très grand nombre pense aux mêmes choses, se préoccupe des mêmes questions, participent aux mêmes événements, discutent des mêmes sujet dans le même temps. -La critique participe de ce mouvement, elle n'est plus là pour inquiéter l'œuvre -et s'en inquiéter-, mais pour en promouvoir la vente. Solitude : -Il est urgent d'être inactuel, de rompre la synchronie qu'impose la communication de masse. Être inactuel c'est rester en retrait du mouvement de l'actualité -qui n'est autre qu'une façon dont les actes se présentent. Être inactuel permet de réactiver une temporalité qui ne soit plus seulement celle de l'instant, d'ouvrir la boucle tautologique du présent. C'est la possibilité de retrouver une diachronie. -Paradoxalement, la synchronisation des consciences ne réalise pas une unité sociale, elle produit des solitudes connectées.
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